Héctor Llaitul, le porte-parole de la Coordination Arauco Malleco (CAM), se doutait qu’une action contre son organisation mapuche allait se produire. Selon un message vocal laissé peu avant son arrestation, il s’attendait à une action des secteurs les plus durs du gouvernement en connivence avec la police. « Boric et son entourage ne seraient pas favorables à une telle approche répressive car cela ne les arrange pas », indiquait-il.

Il était 13h22 le mercredi 24 août lorsque Héctor Llaitul, alors qu’il se trouvait dans un restaurant de Cañete, a envoyé un message vocal via WhatsApp à un journaliste collaborant avec le média Interferencia. Le porte-parole de la CAM s’est dit préoccupé par le fait qu’une « opération de renseignement policier et politique » était en cours.

« Comment allez-vous ? » a-t-il commencé. « À mon avis, c’est le secteur le plus dur de ce gouvernement qui parle et adopte une position très négative envers la cause mapuche, concrètement envers la résistance du mouvement autonomiste ».

Le dirigeant de la CAM faisait référence à une interview que Humberto Toro, délégué présidentiel dans la province d’Arauco, avait accordé la veille à l’émission de radio régionale « Sabes ».

Dans cette émission de radio, Toro a déclaré que Llaitul devrait « être en prison », d’après l’article de ce média. « Héctor Llaitul ne représente pas les communautés mapuche », a déclaré l’autorité gouvernementale, militant du Parti socialiste et ancien chef de cabinet du sous-secrétaire à l’Intérieur, Manuel Monsalve.

Dans l’interview publiée le mardi 23 août, le délégué présidentiel a assuré que « toutes les institutions sont perfectionnées pour que nous ayons suffisamment de preuves, de sorte que lorsque nous devrons le traduire en justice, il ne quitte pas les tribunaux. Il ira directement en prison ».

Héctor Llaitul a interprété cette interview comme un avertissement. Dans son dernier audio, il déclare que « Humberto Toro n’est pas n’importe qui, en plus d’être aujourd’hui délégué présidentiel, il remplit une fonction politique de renseignement et de répression contre le mouvement de résistance en particulier ».

M. Toro a pris ses fonctions en avril 2022, dans un geste qui a été interprété dans le monde politique comme une victoire pour le sous-secrétaire Monsalve et sa tendance au sein du Parti socialiste. Toro avait déjà été gouverneur de la même province (Arauco) pendant le second mandat de Michelle Bachelet, et en 2016, il a déposé des plaintes en invoquant la loi antiterroriste et de sécurité de l’État concernant des attaques ayant eu lieu dans la région.

« Cet homme est dans la ligne de Monsalve, au sein du Parti socialiste », dit Llaitul dans l’audio en référence à Toro. « Et bien sûr, il est le dauphin de Mahmud Aleuy [l’ancien sous-secrétaire à l’intérieur de Bachelet], il a été mandaté pour une opération de renseignement policier, politique au plus haut niveau, préparant les conditions d’une action répressive dans un futur proche (…) donc il gagne en position et la publication [de sabes.cl] laisse entendre que c’est la position du gouvernement ».

Llaitul pensait, selon ses proches, que ce n’était qu’une question de temps avant que des forces politiques et policières ne fassent un mouvement contre la CAM et contre lui. « Nous nous rendons compte qu’il y a différents secteurs dans ce gouvernement », a-t-il assuré dans l’audio. « Il y a le secteur de Boric et de son entourage, qui ne seraient pas favorables à une telle voie répressive car elle ne leur convient pas ; mais la voie de la Concertation et notamment le secteur de Mahmud Aleuy est en train de gagner. Une opération se prépare et nous devons être attentifs à tout ce qui se dit et à tout ce qui se fait ».

Dix minutes après l’envoi de cet audio, une équipe de la police d’investigation l’a arrêté dans un restaurant sur ordre du parquet de l’Araucanie. Ce dernier détiendrait des éléments prouvant son implication dans le vol illégal de bois. C’est un thème en vogue, dernièrement, suite à l’implication présumée de l’ancien chef des services de renseignement de la police de l’Araucanie dans ce type de trafic.

Source : Interferencia, le 28.08.2022 / traduction libre